Je m’attaque à un gros morceau. Dans cet article, j’aimerais montrer en quoi l’analyse interculturelle peut amener à mieux comprendre et à mieux simuler les interactions des personnages dans un Jeu de rôle*. Pas d’inquiétude, je vais essayer d’éclairer ma pensée en vous présentant ce que j’ai appelé « la technique des dimensions ».
Commençons par le début en définissant ce qu’est la culture au moyen de la définition de Geert Hofstede :
La culture est le programme mental collectif qui distingue les membres d’un groupe ou d’une catégorie de personne d’un autre.
Geert Hofstede, 1991
En d’autres termes, on ne naît pas avec une culture intégrée (sinon ce ne serait pas collectif). Elle est faite d’apprentissages, rien n’est inné. Cela implique qu’elle est très évolutive et absolument pas stable au cours d’une vie entière. Les expatriés en sont un exemple extrêmement probant, par exemple. Ils arrivent dans un pays avec leur propre culture qui s’efface progressivement en se mélangeant avec la culture locale. Enfin, pas dans tous les cas, mais passons.
Bien que la culture ne soit pas quelque chose de proprement quantifiable, Hofstede a également développé ce qu’on appelle « les dimensions culturelles d’Hofstede ». Ce sont des domaines bien définis qui permettent de comparer les cultures entre elles lorsqu’on leur donne des scores pour chaque point.

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Tous ces paramètres permettent d’avoir une revue globale de ce que l’on peut attendre de telle ou telle culture. On peut se faire une bonne idée de ce qui serait considéré comme normal par la majorité de ses membres. On pourra comprendre, anticiper et surtout s’adapter, car dans un monde où les relations interculturelles se multiplient exponentiellement, il est capital de comprendre et d’accepter les cultures différentes de la sienne.
Mais pourquoi diable est-ce que je vous parle de tout cela ? C’est très simple, j’ai l’intime conviction que ces points peuvent être très utiles en JdR*. Un aspect se présente lorsque l’on prend la place d’un créateur de jeu. À moins que tout le concept soit basé sur la solitude absolue, il y aura des interactions sociales et donc, un lien avec la société. Hors, cette société a évidemment des caractéristiques, des particularités, des distinctions par rapport aux autres… Selon moi, en procédant de la même façon qu’avec les dimensions d’Hofstede, on peut se donner une idée précise des paramètres de la société que l’on a créé. On peut générer ainsi une instance toute à fait claire et permettant à chaque personnage y étant intégré d’avoir des contacts sociaux légitimes.
Créons ensemble un début d’univers pour illustrer ceci. Imaginons que nous sommes dans un monde dystopique où chacun doit compter uniquement sur lui-même pour survivre et améliorer sa vie. Logiquement, la majorité des personnes vivant dans une société telle que celle-ci est individualiste et concentrée sur l’effort pour réussir. Du fait du manque de perspective claire, les membres de cette culture sont potentiellement habitués à s’adapter rapidement aux changements de situation et font tout leur possible dans l’espoir de se créer un meilleur futur. On peut également imaginer que les structures hiérarchiques sont extrêmement définies et éloignées entre elles. Il y a un gouvernement intouchable sur lequel le peuple n’a aucune influence, donc une grande distance hiérarchique. Enfin, du fait de l’instabilité ambiante et du manque de cadre dans l’éducation, les membres de cette culture seront plus enclins à laisser libre cours à leur impulsion.
Les valeurs de cette société dans les dimensions pourraient donc ressembler à cela :

Pour le joueur, c’est la promesse de plus de régularité et de crédibilité dans les interactions. En effet, on évitera plus facilement de créer des archétypes de PNJ* vus et revus, complétement stéréotypés et devenus insipides. Évidemment, il reste possible de s’amuser des codes en jouant justement avec ces clichés de PNJ et cette « Technique des dimensions » ne l’empêche pas, au contraire cela renforcera la coupure du personnage stéréotypé par rapport au reste de l’univers. De plus, ce procédé permet au joueur de se représenter plus facilement la société dans laquelle il se projette. Non seulement, il s’y adapte car il sait où est la « normalité » mais il peut aussi jouer avec le concept en testant les limites des autres personnages par rapport à ce modèle.
Cette technique n’est donc pas un aplatissement de la singularité des univers de jeu de rôle mais plutôt une augmentation de la crédibilité de la toile de fond permettant de générer des rapports sociaux logiques et donc, plus d’immersion. En analysant la culture de notre propre création, on donne plus de corps à l’univers et plus de possibilités aux joueurs. On devient capable de créer quelque chose de vivant dans lequel les personnages évoluent naturellement…
— Meseer